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La performance "COOP KIN" en juin 2022, lors de la 2e Biennale Yango

* Le titre du projet « COOP KIN » vient de l’expression locale « coop » issue du mot « coopération » – un terme ambivalent qui peut signifier aussi bien l’arnaque et la manipulation, que le travail ou la collaboration –, et du diminutif courant de la ville « Kin ».


Enquête et conception du dispositif : Aurélien Gamboni & Blaise Musaka
Affiches : Aurélien Gamboni
Ecriture et mise en scène de la performance : Michael Disanka & Christiana Tabaro / Collectif D'Art-D'Art
Acteurs-trices : Chic Cello, Chouchou Yoka, Taluyobisa Luheho, Kady Violon, Joël Vuningoma, Wisdom / Collectif D'Art-D'Art
Documentation: Blaise Musaka (direction et prise de son), Danny Baron Mukendi Mpoyi et Kam Perrin (caméra)
Co-production: retro:project, Collectif D'Art-D'Art, Plateforme contemporaine
Soutiens: Pro Helvetia, Ville de Genève, République et Canton de Genève

Affiche du projet "COOP KIN (L'Escamoteur à Kinshasa)"
Peinture murale réalisée par l'artiste Okys
Documentation de la performance "COOP KIN" à Kinshasa (juin 2022 et janvier 2024)
Extrait des 48 affiches imprimées sur papier journal

COOP KIN (L'Escamoteur à Kinshasa)
Un projet initié par Aurélien Gamboni & Blaise Musaka

Performance de Michael Disanka & Christiana Tabaro / collectif D’Art-D’Art

Biennale Yango et Plateforme Contemporaine, Kinshasa
Juin 2022 / janvier - février 2024

Entre performance et installation de rue, « COOP KIN » se présente comme une intervention artistique singulière dans la ville de Kinshasa, créée pour la Biennale Yango de 2022 et présentée en 2024 dans différentes quartiers populaires de la ville. Basée sur une collecte de témoignages locaux, la performance rejoue le dispositif de présentation des journaux à Kinshasa – disposés sur les trottoirs avec une pierre à chaque angle – qui se mue régulièrement en de fascinantes arènes politiques. La pièce mobilise six acteurs-trices dissimulés parmi les passants, faisant face à 48 couvertures de journaux originales conçues à partir des récits collectés durant la phase d’enquête. Les acteurs-trices s’appuient sur ces journaux fictifs pour tisser de nouvelles relations entre ces histoires, brouillant la frontière entre réel et fiction, et embarquant progressivement le public dans une pièce dont il est partie prenante.

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Trailer de la performance

À Kinshasa, la vente de journaux sur le trottoir donne souvent lieu à des échanges animés. L'actualité suscite le débat entre les passants, la polémique monte, jusqu'à ce que cette scène banale se transforme en une arène politique foisonnante. Parfois spontanée, cette situation peut aussi être mise en scène par les parlementaires debout, ces « combattants de la parole » autoproclamés qui ont représenté l'opposition démocratique à Mobutu dans les années 1990. Incarnant à l'origine un modèle inédit de démocratie participative, les parlementaires debout agissent aujourd'hui sous l'égide des partis dont ils défendent la ligne et le programme, loin de leur ambition initiale de représenter « la voix du peuple ».

Ces scènes quotidiennes ont inspiré les artistes Aurélien Gamboni et Blaise Musaka, dans le cadre de leur résidence de recherche pour la Biennale Yango de 2022. Après avoir collaboré sur la Biennale de Lubumbashi en 2017, tous deux ont débuté une nouvelle enquête dans la capitale congolaise, en s’appuyant à nouveau sur la figure de L’Escamoteur pour recueillir des témoignages locaux sur l’appropriation des biens communs et la manipulation de l’attention. Au gré des rencontres, ils ont pu recueillir les contributions d’une grande diversité de Kinois-es : vendeurs de journaux, journalistes, «parlementaires debout», caricaturistes politiques, analystes politiques, travailleurs-euses sociaux, musicien-ne-s, membre du personnel médical, prédicateurs religieux, défenseurs-euses des droits des femmes, enseignant-e-s ou arnaqueurs de rue.
Sur la base de cette recherche, ils ont réalisé 48 couvertures de journaux originales, imprimées localement sur une presse rotative, et inspirées par la diversité graphique remarquable des journaux congolais. Entièrement constitués des témoignages collectés, ces nouveaux journaux présentent des fragments de récits qui dépeignent avec une forte charge critique (et non sans humour) les réalités du paysage politique et médiatique congolais, la vie quotidienne des classes populaires et les inégalités géo-politiques d’un pays sujet à de nombreuses formes de prédation.

À partir de ces affiches, Michael Disanka et Christiana Tabaro ont relevé le défi de concevoir une pièce de théâtre originale pour les rues de Kinshasa, évoquant la tradition du Théâtre des opprimés. Reproduisant une banale scène de vente de journaux sur les trottoirs, la pièce implique six membres du collectif D’Art-D’Art initialement dissimulé-es dans la foule, lesquel-le-s vont réagir sur les journaux et interagir avec les passants, embarquant le public dans une mise en scène finement travaillée. Le rôles des principaux personnages évolue tandis que les scènes se succèdent – la « folle » qui déjoue la censure, le vendeur en figure d’autorité (également politicien, puis pasteur corrompu), le militant / parlementaire debout, le violoncelliste perturbateur en arlequin moderne, accompagné de son acolyte au violoncelle, sans oublier le complice dans la foule pour donner la répartie. Au départ composé de quelques passants curieux, c’est au final plus d’une centaine de personnes qui se trouve intégrées à la performance, participent aux débats et chantent avec les acteur-trices le refrain: « Tout est coop! »*