Les corps attrapés par le discours – La colonna ritrovata
Exposition et conférence, en collaboration avec Franco Buffoni.
MAGA Museo Arte Gallarate
"Voglio Vedere Le Mie Montagne", 7 février – 15 mars 2015
Cur. Noah Stolz
Une génération abandonne les entreprises d’une autre comme des vaisseaux échoués.
H.D.Thoreau
"Les corps attrapés par le discours" se présente comme une enquête semi fictionnelle et partiellement biographique, à cheval entre la Suisse et l'Italie. De la tombe d'Alice Rivaz à Genève à l'ancienne colonie italienne du quartier de Saint-Gervais, des utopies urbanistiques de l’architecte Carlo Moretti à la colonne brisée du Désert de Retz, l'enquête initie un cheminement sinueux évoquant l'histoire des migrations transalpines, ainsi que les projets inachevés du modernisme.
L’un des points d’achoppement de l’enquête est un détail d’apparence anodine: la colonne tronquée de Moretti, "amputée" d’un bâtiment réalisé par l’architecte à Gallarate, en raison de sa trop forte proximité avec la route. Cette pièce manquante résonne étrangement avec les grands projets utopistes et systématiquement irréalisés de l’architecte, de gigantesques tours d'habitation en forme de colonnes antiques, développées à partir des années 1980. Au musée MAGA, la colonne manquante est reconstituée dans ses proportions exactes et placée en travers de l'entrée, un indice qui devient littéralement l’objet sur lequel on vient buter, et qui initie la collecte des autres éléments de l’enquête.
Plus loin dans l'exposition, le plan d'architecture du musée –partiellement dessiné par Moretti– se mue en étagère pour accueillir une partie des archives du projet, reproduisant en cela un geste du Corbusier pour la Vila Turque, en 1917.
Sur le même mur voisinent une série de notes et de croquis d'enquête, comprenant un moulage en bronze du modeste tiret séparant les deux dates sur la tombe de l'écrivaine Alice Rivaz. Un trait d'union entre deux époques et, par extension, entre deux cultures, entre deux langues, qu'a pu activer la conférence réalisée en collaboration avec le poète et traducteur Franco Buffoni.
L'étagère réalisée d'après les plans d'architecture du musée
«Il y a aussi deux dates séparées par un petit tiret. Elle n’aime pas regarder le tiret qui contient toute la vie de Madame, sa longue vie. Mais à regarder ce tiret minuscule, il semble que ce n’était rien du tout qu’un tout petit moment entre deux immense Portes, celle de l’Entrée et celle de la Sortie. Et presque rien du tout entre les deux.»
(A.Rivaz, La Bonne, 1961)
La colonne manquante de Moretti à Gallarate (gauche) et la 500e couverture du magazine Domus (droite)