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The big picture

Galerie Tanya Leighton
, Berlin, mai 2009
Curator Emilie Bujès

La série de dessins intitulée Geister und Gespenster questionne les stratégies «ré-appropriationnistes» en art et la tendance au revival qui traverse la culture de façon plus large. Après une période marquée par diverses thèses sur la «fin de l’histoire» annoncées par des penseurs comme Francis Fukuyama dès 1989, les appels (rhétoriques) à la grande Histoire semblent à nouveau se multiplier. À la fin de la guerre froide, Fukuyama voyait dans le triomphe du modèle démocratique occidental l’aboutissement ultime d’un long processus de civilisation. Selon sa vision hégémonique et téléologique de l’histoire, privée de toute possibilité de développement ultérieur significatif, les modèles et les motifs du passé semblaient constituer un catalogue de référents (formels et conceptuels) libres d’usage, libérés du poids de leur contexte social et idéologique, entraînant par là-même une forme de maniérisme culturel.

Dans la série Geister und Gespenster, Aurélien Gamboni s’interroge sur la charge politique et idéologique véhiculée par ces modèles du passé en dépit de leur apparente disponibilité à la réappropriation. L’artiste superpose des motifs sans liens apparents, dans une série d’enchaînements où chaque image apparaît à deux reprises : une première fois comme croquis recouvrant une image d’apparence délavée et, la deuxième fois, comme image délavée recouverte d’un nouveau croquis. Le garçon mort-vivant du «Pet Sematary» de Stephen King y croise ainsi un Bas Jan Ader mimant sur le sol une composition de Mondrian, le personnage de Madeleine dans Vertigo (Hitchcock, 1958) se superpose à une photographie de Walker Evans « ré-appropriée » par Sherrie Levine, tandis que les Ramones buttent sur le célèbre chien de Pompéi, parmi bien d’autres collisions inattendues.

Cette série sans début ni fin, qui interroge les formes de spectralité dans la culture et ses effets de résonance historique, se réfère explicitement au Karl Marx du "18 Brumaire de Louis Napoléon" (1848), ouvrage clé pour envisager le motif de la répétition historique et idéologique. Marx y analyse la façon dont Napoléon III avait stratégiquement tiré profit du fantasme idéologique généré par Napoléon 1er dans l’imaginaire collectif pour accéder au pouvoir. Selon Marx, cette tentative de restituer l’esprit (Geist) d’un modèle n’avait conduit qu’à l’apparition d’un spectre (Gespenst) agonisant et hallucinatoire, allant jusqu’à affirmer en complétant une citation de Hegel, que "tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois [...] : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce."

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Vues de l'installation Photos Hans Georg
Extrait de la série Geister und Gespenster
Esquisse préparatoire
Extraits de la série Geister und Gespenster
Esquisse préparatoire

> investigation: Seven Years (Mon éducation: 2005-2011)
> texte: Emilie Bujès sur Mon éducation

Vues de l'installation Photos Hans Georg